Eugenio d'Ors
ENTREVISTAS Y DECLARACIONES
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LES ÉCRIVAINS ÉTRANGERS À PARIS: EUGENIO d'ORS POÈTE ET PHILOSOPHE
(Le Petit Parisien, 3 décembre 1935, p. 4)

Un front de philosophe dont l’élévation spiritualise le visage, des yeux de poète au fond desquels couve une flamme ardente, un sourire de néophyte d’une douceur angélique. Philosophe, Eugenio d’Ors, membre de l’académie espagnole, l’est par la hardiesse de ses concepcions sur la constance des événements qu’il applique aussi bien à l’histoire des peuples qu’à celle des individus. Poète, il l’est par une vision fraîche et d’un lyrisme sans fadeur. Mais c’est le chretien qui s’impose à nous lorsqu’il nous entretient du livre qu’il prépare sous forme de lettres: De l’existence et assistance des anges.
J’appartiens à un groupement religieux qui a son siège principal dans une ville d’Espagne que je ne vous nommerai pas. Depuis l’etablissement de la République, ce qui touche à la religion doit se cacher, comme se cachaient les premiers chrétiens dans les Catacombes romaines. Ses adeptes professent le culte de l’amitié et se prétent assistance, non pas dans le domaine pratique de l’action, mais seulement dans un sens spirituel. Ceux qui ont trouvé la paix dans la foi aident leure frères rongés par le doute, la maladie du siècle, à découvrir l’ange gardien dont la voix, en eux, est étouffée par la rumeur humaine. Et c’est seulement dans une solitude partagée avec quelques hommes de bonne volonté que nous pouvons espérer trouver en nous la présence de l’ange gardien.
—Un silence se fait: l’ange passe…
Vous regardez mes jouets, dit-il, tandis qu’un sourire adoucit la gravité de son visage. Celui-ci représente l’Ascension de la Vierge entourée d’anges chantant ses louanges. Celui-là, c’est la grenade, notre fruit symbolique qui, en s’ouvrant, révèle la présence de l’Enfant.
Comme je me penche sur les photographie qu’Eugènio d’Ors a rapportées de là-bas, j’aperçois, à son pouce, une cicatrice.
Ça? dit-il avec un accent de raillerie que son français chantant souligne, c’est la rançon de la gloire! Il est d’usage, dans mon pays, de dédier un palmier à tout homme que ses travaux ont fait connaître. Le jour de la consécration, on baptise le palmier, comme ici vos navires, en brisant sur son tronc une bouteille de champagne. M’étais-je trop approché de l’arbre ou la bouteille glacée glissa-t-elle entre mes doigts? Je ne sais. Mais ce qui est certain, c’est que je m’entaillai le pouce si profondément que j’en ai gardé la marque. A la fin de chaque année, je reçois un panier de dattes, la récolte de mon palmier.
Image d’Espagne, seriez-vous parfaite, s’il ne se mêlait à la brûlure du soleil le goût âcre du sang?…
Jean Marechal


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Última actualización: 31 de enero de 2012