Eugenio d'Ors
ENTREVISTAS Y DECLARACIONES
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MIROIR DE PARIS. […] EUGENIO d'ORS
(Le Figaro, 16 juillet 1934, p. 5)

«Tâchez de l'interroger à l'improviste! Il est parfois surprenant et vous trouverez, dans cette pensée spontanée, un spectacle éblouissant». J'ai suivi le conseil d'Eugène Marsan.
M. Eugenio d'Ors, de l'Académie espagnole, philosophe, écrivain d'art et surtout prince de la culture, avait à peine passé le seuil d'une librairie de l'avenue Marceau que je le pressais de me livrer son image de Paris.
Et voici mon malheur: en me laissant gagner par le mouvement d'un esprit qui va aux symboles et aux aperçus rares avec des bottes de sept lieues, j'ai souvent oublié d'écrire… je ne rapporte que la charpente —le devis de l'architecte— d'une explication si brillamment ornée.
Le trait unique de Paris est assurément la stabilité des choses. Il existe des villes progressistes et qui changent. Il existe aussi des villes historiques figées dans le passé: Paris, tout en étant vivant, se montre constant. Je le connais depuis plus de vingt-cinq ans, il est toujours pareil à lui-même.
Mais oui, en dépit d'apparences toutes superficielles, le visage animé de Paris n'a pas changé: il n'a fait que se déplacer légèrement dans l'espace. Par exemple, les Champs-Elysées ont succédé aux boulevards, qui avaient eux-mêmes dépossédé les Tuileries, le Palais- Royal; la vie urbaine y obéit à des lois constantes. Depuis Julien l'Apostat, sans doute, Paris insiste sur les mêmes formes. C'est un prodigieux spectacle que de le voir réunir la vie et l'éternité. Rome s'est beaucoup renouvelée, mais elle tend à reprendre une allure impériale et à retourner à des formes anciennes. Aussi mérite-t-elle son nom de Ville Eternelle; mais, si ce mot est possible, je voudrais dire de Paris qu'il est la Ville Sempiternelle.
—…
Non, certes, cette stabilité n'est pas une tare. Au contraire: plus l'ensemble social est civilisé, moins il change. Méditez l'expérience de l'ethnographe Westerman, qui a vécu plus de dix ans près de peuplades primitives de l'Afrique centrale: après un long contact avec une tribu, il s'absentait quelques mois et à son retour il constatait que certains éléments folkloriques mêmes avaient disparu, que, par exemple, adultes et vieillards ne se rappelaient plus les chansons qu'ils répétaient deux ou trois trimestres auparavant.
Le secret de cette nature de Paris? On peut l'approcher en se souvenant qu'en politique la campagne ne bouge guère; les grande mouvements viennent des villes. Eh bien, à mon sens, la caractéristique en quelque sorte anatomique de Paris est d'être une ville dont les fondements essentiels sont à l'image de la campagne: de là ce délicat équilibre du passé et de l'avenir, de là encore cette sourde résistance à la soif de modernité comme à l'archaïsme.
— Et pour l'avenir?
Je ne crois pas qu'il soit assez de dire que Paris exercera toujours, dans le monde, un arbitrage du goût. Sa fonction est plus profonde: toutes les nations et toutes les capitales peuvent changer, aller à des formes nouvelles, lui seul apporte les éléments susceptibles de constituer des assises à un changement valable.
La ville-canon, m'a dit dans une dernière poignée de main le philosophe espagnol: l'image du Doryphore de Polyclète réduit les séductions du dandysme…


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